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Commerce équitable : nos cafés sont-ils « équitables »?

July 13 2020 – Zab Cafe

Commerce équitable : nos cafés sont-ils « équitables »?
Commerce équitable : nos cafés sont-ils « équitables »?
Texte : Isabelle Huard

On se fait souvent demander si nos cafés sont équitables. En fait, la question présuppose qu’on parle de cafés certifiés équitables, donc que les producteurs et productrices, les coopératives, desquels nous achetons nos cafés ont obtenu une certification délivrée par une entité bien précise pour les cafés qu’ils produisent. Ça implique que nous ayons également reçu une certification nous donnant le droit d’afficher que nous torréfions et vendons des cafés certifiés équitables. La multiplication des différentes certifications et logos au cours des dernières décennies a causé une confusion chez les consommateurs, qui s’y retrouvent difficilement.

C’est pourquoi qu’avant de répondre à la question, il importe de brosser un court portrait de la certification et de définir le terme « équitable » puisque son appropriation et son utilisation en tant que marque de commerce causent une interprétation biaisée de ce qu’il implique réellement.

 

Le début d’un commerce international plus juste

Les échanges commerciaux alternatifs au commerce traditionnel, généralement bâti sur des rapports inégalitaires, existent depuis longtemps. Différentes initiatives ont vu le jour dès les années 30, mais le système international de certification « équitable » qui prédomine, soit Fairtrade International —FLO— et ses nombreuses branches et marques, a officiellement été créé en 1997. Les principaux objectifs de l’organisation : de meilleurs prix payés aux producteurs, de meilleures conditions de travail et des termes des échanges commerciaux plus justes. L’établissement d’un prix minimum pour les produits était certes une énorme avancée, un grand pas qui allait ébranler des préceptes dictant les façons de faire le commerce entre le Nord et le Sud depuis des décennies, voire des siècles. Le café est l’emblème de ce commerce socialement engagé, mais d’autres industries comme celles du cacao, du sucre, du coton, des fleurs et de l’or, pour le nommer que celles-là, ont également vu leur part du marché équitable croître.

 

Limites et critiques du commerce équitable

Si FLO se veut un organisme sans but lucratif, son organe de certification qu’il prétend indépendant, FLOCERT, ne l’est pas. Pour le producteur, introduire le marché équitable implique le paiement de la certification, ainsi que les frais annuels de maintien de cette certification et des audits de FLOCERT qui s’assure que tous les standards soient rencontrés. Il va sans dire que ce marché est presque inaccessible pour bon nombre de petites organisations de producteurs et productrices qui peinent à joindre les deux bouts. De plus, les nombreuses exigences qui doivent être satisfaites pour l’obtention de la certification ne tiennent pas toujours compte des différentes réalités des producteurs et productrices, qui sont plus souvent qu’autrement exclus de la table des négociations. Sur papier, la mission de l’organisation est noble, mais dans les faits, elle n’est plus prioritaire. Une grande part du profit sert à des fins administratives et de marketing de la machine bureaucratique qu’est devenue FLO avec les années; on s’en doutera, c’est plutôt à Bonn, au siège social de FLOCERT, ou encore dans les bureaux des différentes branches nationales qu’on profite de « l’achat consciencieux » que certifient les logos apposés à différents produits. De plus, l’arrivée des grands distributeurs (Costco, Walmart, etc.) et la part de marché qu’ils détiennent soulèvent beaucoup d’interrogations.

En effet, la dépendance de FLO aux grandes chaines de distribution fait profondément remettre en question l’intégrité du système. Pour beaucoup de producteurs et productrices, l’organisation s’est éloignée, il y a longtemps, de sa mission fondatrice et a abaissé ses standards dans le but d’attirer ces transnationales. Si les producteurs ont une liste exhaustive de critères à respecter pour faire partie du marché équitable, les importateurs et distributeurs, eux, ont très peu d’exigences à satisfaire.  Le système « équitable » de Fairtrade International est une autre représentation des rapports inégalitaires entre les pays consommateurs, par qui les normes du commerce équitable sont négociées, et les organisations de producteurs et productrices, à qui on impose ces normes.

La pression qu’exercent ces transnationales n’a pas seulement contribué à la diminution des standards, mais également à la baisse des prix et à une perte flagrante de transparence et de traçabilité. Ne doit-on pas se poser des questions lorsqu’on retrouve sur les étagères de Walmart, aux côtés de Nescafé, Maxwell House et Folgers, des sacs de café certifié équitable et même biologique, d’une compagnie au nom de Ethical Bean Coffee —avec un nom pareil, c’est certain que c’est du café éthique…— au prix de 8.97$ les 227g? Sur le site de ladite compagnie, une histoire bien touchante d’un couple ayant découvert le Guatemala et le café en attente de l’adoption de leur fille. Il ne s’agit que de pousser les recherches un peu pour découvrir que Ethical Bean Coffee appartient depuis 2018 à Kraft-Heinz, géant américain de l’agroalimentaire, a qui appartient également Maxwell House… On relie rapidement les points.

L’arrivée de ces transnationales dans l’arène équitable fait planer le doute sur l’intégrité du modèle de FLO, et plus sévèrement, sur sa légitimité. 

 

Notre vision de l’équité

Le Larousse définit le commerce équitable comme étant « les échanges commerciaux basés sur une solidarité Nord-Sud, les consommateurs du Nord acceptant d’acheter des marchandises à prix permettant aux producteurs du Sud d’améliorer leurs conditions de vie et de travail, tout en favorisant le développement durable ». Cette définition représente bien ce que nous tentons, avec nos différents partenaires exportateurs et importateurs, de réaliser. Nous sommes dans l’industrie du café de spécialité par amour du café, bien entendu, mais avant tout, pour les relations humaines que nous bâtissons. De savoir que, par notre travail, nous pouvons contribuer à améliorer les conditions de travail et de vie de gens nous motive à toujours faire mieux. Ce n’est pas encore parfait, mais nous travaillons ardemment afin d’améliorer nos pratiques d’achat de café vert.

Nous savons que le prix du café de commodité négocié par des coutiers déconnectés à la Bourse de New-York est odieux et contribue à maintenir les producteurs et productrices dans la pauvreté, à la limite de l’insécurité alimentaire; que le minimum fixé par FLO est loin d’être suffisant pour qu’ils puissent vivre décemment et réinvestir dans leurs entreprises, et que les pratiques de l’organisation sont contestables et manquent de transparence. En revanche, nous assurons que nos cafés sont achetés avec un souci d’équité et de solidarité. Nous choisissons de travailler avec des exportateurs et importateurs qui partagent notre vision et qui s’impliquent auprès de leurs partenaires producteurs et productrices; nous choisissons d’être complètement transparents par rapport à nos achats de café (voir The Pledge); nous cherchons toujours à nous éduquer davantage quant aux réalités des gens qui cultivent les cafés que nous achetons; bref, nous plaçons les humains au cœur de nos décisions, à toutes les étapes du processus,  toujours avec une optique de développement durable, de meilleure répartition de la richesse et en se disant qu’on peut toujours faire mieux.

Sao Luiz - Brésil
La ferme de São Luiz au Brésil où est cultivé notre Joyeux Roger